La fin d’année 1998 fut particulièrement chargée en terme de grosses productions : Tomb raider 3, crash Bandicoot 3, Spyro… Les enfants que nous étions avaient déjà harcelé leurs pauvres parents pour leur dose de jeux en 3D au pied du sapin de Noël.
Cette année fut particulièrement fructueuse pour un développeur qui avait le vent en poupe à savoir Crystal dynamics.Vous les connaissez notamment pour le travail réalisé sur la trilogie de Lara Croft ou de Gex. Entre Novembre 1998 et Aout 1999, ce n’est pas moins de trois jeux de haut calibre que sortira ce studio : Tomb raider 3, Akuji the heartless et Legacy of kain : Soul reaver.
Nous allons nous focaliser sur le deuxième, Akuji The Heartless, sorti en Janvier 1999 dans une période non propice à la médiatisation.
L’arnacoeur
Notre héros, Akuji, est un prêtre vaudou qui se marie avec une fille d’un autre clan, Kesho, afin d’assurer la paix de ses troupes. Le soir de son mariage, il fut lâchement assassiné par son frère ainé Orad. Son fraternel, lors d’un horrible rite vaudou, décida de lui arracher le cœur afin l’envoyer errer dans les profondeurs des ténèbres.
Les cinématiques sont remplies de références au culte vaudou: le sang, les poupées, les bougies… Akuji se retrouve dans les vestibules de l’enfer en guise de châtiment.
Se rendant compte de la situation, il y rencontra le baron samedi, figure des rites vaudou. Ce dernier lui promettra de le renvoyer dans le monde des vivants et de briser son sortilège à l’unique condition de battre les monstres de l’enfer et lui rapporter les âmes de quarante de ses ancêtres, descendants qui sont perdus dans quatre vestibules de l’enfer au travers de 12 niveaux.
Le tempo libère mon imagination
Tout d’abord, il est à noter que le soft bénéficie d’un doublage intégralement en français. On y retrouve notamment un doubleur pour deux personnages, Akuji et le Baron Samedi. L’interprétation est assurée par Marc Alfos, voix française de Russell Crowe, et que nombre d’entre nous ont connu également dans le role de Edward Carnby dans Alone in the dark.
Son interprétation est de qualité et nous plonge pleinement dans les réflexions d’Akuji sur sa condition de héros maudit à travers de longs monologues, souvent au début de chaque niveau. Le doublage du Baron Samedi est également de bonne facture et colle parfaitement au personnage issu d’outre tombe. Le reste des doublages est dans la moyenne des jeux de l’époque.
Concernant la bande originale, cette dernière est complètement réussie et correspond totalement à l’ambiance développée par Crystal dynamics. On y retrouve évidemment des tambours en abondance avec des variations de tempo tribaux ce qui incite à la transe vaudoue ou les percussions vous exorcisent et mettent du pep’s dans un univers pourtant occulte. Cela se rapproche de rythmes africains et ce sont ces variations qui permettent d’éviter que toutes les musiques se ressemblent.
L’ensemble est certes sans surprise mais totalement cohérent avec la culture vaudoue.
3DFX Voodoo
Comme je l’ai précisé en introduction, Crystal dynamics et Eidos étaient des piliers de l’ère 32 bits et maitrisaient parfaitement l’utilisation de la 3D polygonale. Il est à noter que le moteur graphique utilisé pour Akuji The heartless est celui de Gex : enter the gecko, moteur qui avait pour but de tenir la dragée haute face à des jeux comme Super Mario 64.
Une 3D très propre avec de nombreuses variations de lumières. Au delà des teintes froides, on y retrouve l’ambiance “rouge” liée au vaudouisme.
L’univers de ce soft est partagé entre différentes visions. D’une part, nous retrouvons des niveaux aux teintes bleues/vertes, plus proche d’un monde mystique lié à l’enfer et à la sorcellerie. Mais, d’autre part, les niveaux extérieurs ont davantage de couleurs adaptées à la culture vaudoue à savoir des teintes rouges/orangées. Les jeux de lumières s’adaptent parfaitement aux différentes ambiances et ce, sans ralentissement notable ce qui est à signaler au regard de la profondeur d’affichage.
Nous y retrouvons bien évidemment toutes les références au rite vaudou : bougies, cranes, poupées avec des aiguilles, croix et forcément du sang en abondance.
Le bestiaire rencontré tout au long du jeu est varié : insectes, mages noirs, ennemis démembrés,etc… Ici, les âmes meurtries sont évidemment morbides du fait de cette culture mais la direction artistique et la modélisation des ennemis sont réussies. Seules les cinématiques, un peu floue, peuvent sembler gênantes de part leurs effusions de sang suggérées notamment lors d’égorgement de boss.
Mention spéciale à celui qui vous épaulera tout au long de votre quête, le Baron samedi, qui est parfaitement modélisé avec son chapeau haut de forme, lunettes aux verres brisés et un manteau noir. Ici, l’œuvre colle parfaitement à cette croyance.
Le Baron Samedi, figure classique vaudou qui représente le cycle de vie et de mort, ici parfaitement représenté.
Lara croft au pays de la sorcellerie
Notre guerrier Akuji devra donc partir à la recherche des esprits de ses ancêtres de par ses propres moyens. Pour cela, il sera à même d’utiliser ses poings ou plutôt ses griffes situées sur ses avants bras. Sur ce premier point, l’action s’oriente principalement vers un style de type “Beat Them all” au corps à corps ce qui aura parfois tendance à rendre l’aventure répétitive.
Au gré de son aventure, il pourra bénéficier de différents sorts magiques aux effets divers et variés afin de se défaire des ennemis rencontrés. Dans ce cadre, le soft se met à avoir des touches de “Run and gun” façon Apocalypse sur PS1 avec Bruce willis. L’action s’en retrouvera parfois plus confuse mais également plus variée. Par contre, cette magie est à utiliser avec parcimonie du fait de sa rareté.
Enfin, le principal attrait de ce jeu réside dans son coté platformer 3D, à la manière d’un Tomb raider. Notre vaillant combattant devra traverser les niveaux, en évitant les nombreux pièges afin d’accéder au portail de retour du vestibule. Cela se caractérise notamment par la recherche de pierres magiques de Loa afin de les remettre sur leurs piédestaux respectifs pour débloquer des accès cachés. Malgré toute cette liberté d’action, le chemin reste malgré tout linéaire…
Une partie de votre quête passera par la recherche de ces pierres nécessaires pour débloquer des accès cachés Akuji fera face à de nombreux pièges avant de retrouver le portail de retour au vestibule
Toutefois, à la différence d’un jeu de plate formes “classique”, il ne suffira pas de finir les niveaux pour avancer dans le jeu. En effet, le Baron Samedi réclamera à quatre reprises un nombre requis d’âmes ancestrales afin de rencontrer un des boss et d’accéder au vestibule suivant. De ce fait, il sera nécessaire d’obtenir obligatoirement 40 âmes,pour accéder au boss final, ce qui restera relativement accessible pour le joueur lambda.
Une jouabilité au top
Rétrospectivement, il est à noter que nombre de jeux 3D de l’ère 32 bits rencontrent des problèmes quant à la gestion des sauts de votre personnage dans l’espace. Dans ce soft ou notre héros sera amené à sauter de plate forme en plate forme, nous ne rencontrons quasiment jamais ce soucis ce qui est très positif sauf dans de rares cas ou les plates formes/échelles sont trop sombres pour être “bien” distinguées.
Toutefois, il vous appartiendra parfois d’ajuster, manuellement, votre caméra pour mieux appréhender un saut. Pour cela, il vous faudra user ou abuser de l’utilisation de la touche R2 afin de remettre la caméra dans votre dos. C’est une technique à prendre en main mais qui apporte un réel plus à l’aventure.
Une gestion des sauts bien adaptée pour l’époque et une profondeur d’affichage facilitant l’usage de la camera. A la manière d’un MDK, la vue intérieure peut vous permettre de tuer vos ennemis de loin et ce, avec une précision diabolique !
Enfin, pour la partie utilisation des sorts, le jeu vous donne la possibilité de se mettre en vue intérieure façon FPS pour viser avec précision certains ennemis ou agir sur des hitbox définies.
Un jeu “diabolisé” ?
Crystal dynamics a su parfaitement retranscrire les fantasmes liés au vaudouisme à travers ce soft. La production, tant graphique que musicale, est de qualité et saura vous envouter sur une dizaine d’heures de jeu ou plus si vous souhaitez récupérer toutes les âmes avec sa difficulté raisonnable.
Toutefois, on pourra lui reprocher son classicisme, son manque de profondeur surement dû à un scénario peu étoffé et une fin qui tombe à plat. Sorti au mauvais moment, avant le blockbuster Soul reaver, il n’aura pas su se faire une place de choix au sein des gamers.
Malgré tout, laissez vous séduire par les incantations vaudoues d’Akuji the heartless qui reste un bon jeu méconnu.
Vous avez adoré Akuji the heartless ? Venez en discuter sur le forum