TEST de Secret of Mana sur Super Nintendo

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1994. Alors que la Super Nintendo s’est implantée partout dans le monde, les Européens attendent toujours fébrilement de pouvoir profiter d’un des nombreux jeux de rôle de Squaresoft ; en effet, aucun n’a jusque-là été édité en Europe. Le 24 novembre, des millions de joueurs du Vieux Continent découvrent Secret of Mana ; un nom qui aujourd’hui, sonne comme un appel pour toute une génération qui a découvert le jeu de rôle japonais grâce à ce titre. Presque vingt ans après, le jeu est-il toujours à la hauteur de sa réputation ? Secret of Mana est-il un mythe, ou bien bénéficie-t-il d’une nostalgie exacerbée ? Réponse dans ce test.

L’elfe est une fille ! Une fille, vous dis-je ! Regardez ses cheveux !

En jetant un œil à Secret of Mana, l’on se rend compte rapidement que la patte graphique est assez éloignée des productions ultérieures de Squaresoft. A l’inverse d’un Final Fantasy VI ou d’un Chrono Trigger, reconnaissables à leurs teintes plutôt sombres, Secret of Mana prend le parti d’un univers très bariolé, tout en couleurs éclatantes. A cet égard, le Haut Pays et ses quatre tableaux reflétant chacun une saison, la forêt enchantée de Puritas ou encore la ville dorée, Auriféra, sont particulièrement représentatifs de ce choix artistique. Secret of Mana choisit donc une ambiance plutôt enfantine, qui a un charme certain.

En ce qui concerne le bestiaire, il est très classique : lapins, chauves-souris, goules, loups affamés, chevaliers en armure rutilante ; le rôliste sera en terrain connu. Toutefois, on trouve quand même quelques exceptions au design plus que particulier : des tortues mécanisées, des canards affublés de casques ou encore des ratons-laveurs armés d’arcs et de flèches pourront ainsi vous affronter au cours de l’aventure ! De la même manière, si les boss sont pour la plupart vus et revus (dragons, génies, vampires…), certains sont plus originaux, comme ce minotaure en armure ou ce chevalier monté sur une sorte de moto volante ! Vous l’aurez compris, le bestiaire reste très convenu mais se paye le luxe de quelques innovations insoupçonnées qui sont, il faut l’avouer, plutôt amusantes. L’animation est quant à elle fluide, et aucun ralentissement n’est à déplorer.

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Dans le Haut-Pays, toutes les saisons sont représentées. Ici, l’automne.

Mais arrête de te coincer dans tous les arbres que tu trouves, nom d’une pipe !

Secret of Mana est un des premiers véritables action-RPG jamais développés ; à ce titre, s’il propose tous les éléments classiques du RPG (expérience, magies, argent…), il comporte également des combats en temps réel durant lesquels il est possible de se déplacer et de porter des coups en appuyant sur B. Sachant cela, il pourrait sembler assez fastidieux de se rendre dans un menu pour lancer une magie ; fort heureusement, cet écueil est contourné avec brio grâce à l’apparition du Ring System.

En effet, d’une simple pression sur Y (puis sur X pour accéder au Ring System de ses alliés), il est possible d’afficher différents menus en forme d’anneau ; l’on navigue entre ces menus par le biais des flèches directionnelles. Ces menus permettent d’utiliser un objet, de changer d’arme, d’équiper ses armures, d’accéder à de nombreuses options (consulter son statut, son expérience…) et bien sûr d’utiliser ses magies. L’action est immédiatement figée dès que l’on utilise le Ring System, donnant aux combats une réelle fluidité.

En ce qui concerne les armes, elles sont au nombre de huit : citons entre autres l’inévitable épée, le fouet ou l’arc. Lorsqu’un personnage utilise une arme, son taux de maîtrise augmente, permettant d’augmenter la puissance de l’arme. Par ailleurs, il est possible de récupérer dans les donjons ou en terrassant des boss des « sphères d’armes ». En rapportant ces sphères au forgeron Vulk, vos armes peuvent être reforgées moyennant finance, ce qui fait grandement augmenter leur puissance. Ainsi, chaque arme peut être forgée jusqu’au niveau 8 ; cet aspect d’évolution des armes est tout à fait novateur et très bien implémenté.

Les magies fonctionnent selon le même processus : divisées en huit éléments, elles sont au nombre d’une quarantaine. Chaque fois que vous utilisez une magie, l’élément associé gagne de l’expérience et peut monter de niveau. Sachez toutefois que le niveau maximal atteignable est égal au nombre de graines Mana déjà scellées : si vous avez scellé cinq graines, vos magies ne pourront dépasser le niveau 5. Augmenter le niveau des magies permet de les rendre plus efficaces.

En combat, il ne suffit pas de marteler le bouton B pour vaincre vos ennemis ; en effet, une fois votre attaque armée utilisée, un petit pourcentage s’affiche en bas de l’écran ; il faut que celui-ci atteigne 100 % pour porter une nouvelle attaque. Si vous ne respectez pas cela, vos attaques seront quasiment inefficaces. A noter qu’il est possible (en maintenant le bouton B enfoncé) de charger son attaque : une attaque chargée pouvant infliger trois à quatre fois plus de dégâts qu’une attaque normale, il ne faut surtout pas les négliger. Le niveau maximal de chargement d’une attaque est égal au taux de maîtrise (de cette arme) du personnage qui porte actuellement l’arme.

Précisons également qu’à travers un menu, il est possible de modifier le comportement de vos alliés afin de leur faire adopter une stratégie défensive ou, au contraire, de les envoyer à l’assaut sans répit. Il se révèle souvent plus judicieux de les pousser sur le front de l’attaque. Il est possible de changer à tout moment le personnage que l’on contrôle d’une simple pression sur Select.

Le joueur sera ainsi amené à contrôler trois personnages (qu’il peut nommer à sa convenance) : un jeune garçon (Randy), une jeune fille au caractère bien trempé (Purim) et un elfe amnésique (Popoï). Ces trois protagonistes ont tous un rôle bien défini, que l’on retrouve dans tous les RPG japonais. Randy est le guerrier ; il ne maîtrise pas la magie, mais possède plus de PV et de défense, sans compter que sa force physique est supérieure. Purim est la mage blanche habituelle : physiquement faible, ses sorts curatifs se révèleront toutefois précieux. Enfin, l’elfe est le traditionnel mage noir : doté d’une faible défense et de points de vie réduits, il est pourtant le seul capable de déchaîner des magies offensives dévastatrices.

Avec tout cela, peut-on reprocher quelque chose au gameplay de Secret of Mana ? Malheureusement oui. Tout d’abord, l’intelligence artificielle gérant le déplacement des alliés est tout bonnement désastreuse et ceux-ci ont une fâcheuse propension à se retrouver bloqués derrière n’importe quel arbre ou pan de mur. Le joueur est alors contraint de revenir sur ses pas pour aider son allié. A la longue, ce problème (qui semble assez trivial) se révèle très agaçant.

Deuxièmement, certains ennemis ont une tendance insupportable à coincer le joueur dans un coin et à le harceler sans que celui-ci ne puisse rien faire. Il faut alors se voir mourir à petit feu sans que l’on ne puisse riposter. La difficulté est quant à elle mal dosée : au début de l’aventure, le jeu est véritablement ardu et le troisième boss du jeu (Tigror) risque de vous faire hurler de rage tant il est résistant. Toutefois, après l’obtention de la première magie, ces difficultés s’évanouissent et le jeu devient presque une promenade de santé pour peu que l’on augmente régulièrement le niveau de ses magies.

Cela nous amène à un autre point noir du jeu : le levelling. Important dans beaucoup de RPG, il se révèle ici absolument indispensable pour ne pas être réduit en poussière à chaque nouveau donjon. Le levelling des magies est extrêmement important et il est nécessaire de s’adonner à de fréquentes séances d’entraînement pour pouvoir progresser sans trop de problèmes. Cela hache trop souvent le rythme de la progression. De plus, si les ennemis peuvent parfois poser quelques soucis, les boss deviennent bien souvent de véritables parties de plaisir, car il est possible d’utiliser la magie adéquate à un rythme tellement soutenu que le boss n’a même pas le temps de réagir. La difficulté peut donc être anéantie, ce qui est une faille flagrante de gameplay.

Notons par ailleurs que contrairement à beaucoup de RPG, le nombre maximal d’exemplaires d’un même objet que l’on peut transporter est de quatre. Ainsi, il n’est pas rare de se retrouver à court d’objets face à un boss alors que l’on vient de traverser un donjon particulièrement long et éprouvant. On ne pourra que regretter ce parti pris qui augmente parfois la difficulté de façon artificielle.

Il est enfin important de souligner que Secret of Mana propose au joueur la possibilité de jouer à deux, voire trois par le biais d’un Multitap. Ainsi, l’expérience de jeu devient beaucoup plus conviviale et amusante, puisque rares furent les jeux de rôle à proposer cette fonctionnalité novatrice.

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Le village de Bolet vous réserve bien des surprises.

Eight seeds to save the world !

La durée de vie de Secret of Mana reste relativement courte pour un jeu de rôle ; en effet, il vous faudra probablement moins d’une trentaine d’heures pour venir à bout de la menace qui pèse sur le monde de Mana. Cette brièveté est accentuée par le fait que le jeu ne comporte que très peu de quêtes annexes, et que celles-ci n’aient par ailleurs qu’un intérêt minime.

En ce qui concerne l’inévitable levelling déjà évoqué, celui-ci est assez fréquent et représente tout de même un pourcentage assez conséquent du temps de jeu. Il est ainsi regrettable que l’histoire principale soit par moments éclipsée par ces fastidieuses séances d’entraînement.

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Votre quête vous sera expliquée par Lucie, gardienne du Palais de l’Eau.

La peur d’un ange

A la bande-son, on retrouve Hiroki Kikuta, compositeur de Squaresoft. Moins connu que d’autres compositeurs emblématiques de la firme au triangle rouge (Nobuo Uematsu ou Yatsunori Mitsuda pour ne citer qu’eux), son travail sur Secret of Mana n’en demeure pas moins un véritable tour de force. Beaucoup de thèmes proposés sont marquants ; de plus, l’OST frappe par son éclectisme. Si l’on retrouve les morceaux enjoués à la flûte accompagnant la traversée de Potos ou du Royaume de Pandore, des sons plus cristallins se font entendre dans la contrée glaciale de Polaira. On n’oubliera certainement pas de mentionner le thème du combat contre Ténébro, sorte d’expérimentation musicale absolument jouissive, ou encore celui du combat final, endiablé et épique à souhait. Comme vous l’aurez probablement compris, l’OST de Secret of Mana est un réel bonheur à écouter et compte sans aucun doute parmi les meilleures de la console.

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Flammy est un gentil dragon qui pourra vous transporter n’importe où dans le monde.

Trois enfants pour sauver le monde… Encore ?

Une brève introduction conte l’histoire du Fort Mana. Il y a fort longtemps, les hommes construisirent un fort céleste en utilisant l’énergie Mana ; ils pensaient ainsi acquérir la puissance ultime. Les dieux furent courroucés et envoyèrent un dragon légendaire, le Démo Mana, détruire le fort. Alors que la bataille entre les humains et le Démo Mana faisait rage, un héros détenteur de l’Epée Mana détruisit la forteresse et la civilisation. Pendant des siècles, le monde se remit lentement de cette guerre, et toute trace de Mana disparut de la planète…

Tout commence alors que Randy, notre jeune héros, traverse un tronc d’arbre faisant office de pont au-dessus d’une chute d’eau en compagnie de ses amis. Il perd soudain l’équilibre et tombe au bas de la cascade ; il y trouve une épée plantée dans un rocher. Alors qu’il s’en approche, un fantôme apparaît et lui demande de retirer l’épée ! Randy s’exécute et entend un tremblement de terre ; en rentrant dans son village, Potos, la terre s’ouvre et Randy, tombé dans la faille, doit combattre un monstre géant ! Après avoir triomphé de la bête, il apprend qu’il a retiré l’Epée Mana, et que de terrifiants monstres ont ainsi été libérés. Pour cet acte inqualifiable, Randy est banni de Potos ; il rencontrera ensuite Lucie, gardienne du Palais de l’Eau, qui lui apprendra qu’il doit sceller les huit graines Mana disséminées à travers le monde pour contrecarrer les plans de l’Empire et empêcher la renaissance du Fort Mana…

Ce scénario vous semble rempli de clichés ? C’est le cas ! En effet, Secret of Mana n’échappe à aucun des poncifs habituels du jeu de rôle japonais : l’élu portant une épée sacrée, la jeune fille secrètement amoureuse du héros, l’être magique qui a perdu la mémoire, le pouvoir politique qui veut exploiter la magie pour satisfaire ses ambitions, tous les clichés vus et revus du RPG sont exploités jusqu’à la corde dans ce jeu. De plus, l’émotion est assez mal retranscrite et il est difficile de s’attacher aux héros. Certes, quelques scènes se révèlent poignantes mais le jeu est loin de la profondeur d’un Final Fantasy IV ou VI. De plus, une traduction française bâclée vient rendre l’histoire encore moins agréable à suivre. C’est une réelle déception que le script de ce Secret of Mana, d’autant plus que Squaresoft a toujours été réputé pour la qualité de ses scénarii et l’émotion qu’ils parvenaient à véhiculer.

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Mégatonnerre est résistant à la foudre. Logique, me direz-vous.

C’est l’heure de rendre les copies !

Graphismes : Choisissant d’afficher des décors très colorés et des ennemis au design certes classique mais parfois très fantaisiste, Secret of Mana bénéficie d’une patte très enfantine qui convient très bien à cet univers fantasy assez naïf. L’ensemble est par ailleurs joli à regarder et certains décors sont réellement beaux (la forêt de Puritas, le Haut Pays…).

Jouabilité : Grâce au Ring System, Secret of Mana se révèle être un action-RPG très dynamique où les combats s’enchaînent sans temps mort. La possibilité de jouer à plusieurs est par ailleurs bienvenue. Plusieurs défauts viennent toutefois nuancer ce propos : l’intelligence artificielle limitée des alliés, le harcèlement que pratiquent certains ennemis, ou le levelling imposé.

Durée de vie : Plutôt court, Secret of Mana ne vous résistera même pas trente heures. De plus, l’absence de quêtes annexes dignes de ce nom et la place importante que prennent les séances de level up viennent encore éroder cette durée de vie. 

Bande-son : Hiroki Kikuta signe avec Secret of Mana un véritable travail d’orfèvre. Les différents thèmes entendus sont pour la plupart sublimes et restent longtemps en mémoire. Comment oublier ce sublime thème d’introduction, Angel’s Fear ? Comment oublier cette mélodie poignante que l’on entend lorsqu’un drame survient, Spirit of the Night ? A n’en pas douter, l’OST de Secret of Mana est un vrai joyau.

Scénario : Le script du jeu pioche dans tous les clichés surannés du RPG japonais et les exploite maladroitement ; ainsi, l’émotion est rarement ressentie par le joueur. De plus, la traduction française est de qualité médiocre. Difficile donc de ne pas exprimer un soupir face à un scénario qui aurait dû être de bien meilleure facture, connaissant la qualité habituelle des scénaristes de Squaresoft. 

Conclusion : Graphiquement et musicalement, Secret of Mana est presque irréprochable. Régal pour les yeux et pour les oreilles, l’aspect technique est une franche réussite. En revanche, le gameplay, s’il est dynamique et novateur, présente tout de même des lourdeurs assez flagrantes, sans oublier le scénario assez plat. Secret of Mana est donc un très bon RPG, mais quelques petits défauts l’empêchent de prétendre au statut de véritable mythe.

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