The Wind Waker est probablement le Zelda qui aura le plus divisé les fans. Avant même sa sortie, il fut voué aux gémonies, en raison de son style graphique très particulier, par des joueurs qui s’attendaient à un jeu sombre dans la droite lignée des opus Nintendo 64. En effet, le jeu avait adopté la technique du cell-shading, ce qui lui conférait un graphisme proche de celui d’un dessin animé avec des couleurs acidulées et des personnages enfantins. Alors, huit ans après, que reste-t-il de ce Zelda ? Est-il réellement le mouton noir de la série ? Réponse dans ce test.
L’île aux couleurs
Abordons en premier lieu le grand sujet de discorde qui s’impose immédiatement lorsqu’on traite de The Wind Waker : les graphismes. Prenant complètement à contre-pied les attentes des joueurs qui réclamaient un « Ocarina of Time en mieux », autrement dit un jeu tout aussi sombre avec des graphismes améliorés, Nintendo décida de réaliser un jeu au graphisme extrêmement enfantin, avec des couleurs extrêmement vives, des formes très caricaturales, des personnages rondouillards et bonhommes, l’ensemble étant pensé pour ressembler à un véritable dessin animé interactif. Cette prouesse fut rendue possible grâce à l’utilisation de la technique du cell-shading, qui permet de forcir les ombres pour rendre l’ensemble moins réaliste mais plus coloré.
Malgré la polémique qui s’est déchaînée autour des visuels du jeu, force est de constater que la prouesse technique est énorme. Pour un jeu Gamecube, le résultat est splendide. Les ombres sont gérées de façon parfaite, les effets de distorsion liés à la chaleur ou à l’eau sont superbement retranscrits, les décors sont très détaillés et collent parfaitement à l’ambiance typée « cartoon » du jeu, et l’animation est de toute beauté, fluide et sans ralentissement. Il ne faudrait cependant pas oublier les mimiques des différents personnages : si elles sont évidemment moins réalistes que dans un Twilight Princess par exemple, elles se révèlent bien souvent complètement exagérées et donc outrancièrement drôles. L’humour est d’ailleurs un point omniprésent du titre, mais nous y reviendrons par la suite.
L’identité graphique du jeu est en tout cas splendide : chacun des environnements traversés a bénéficié d’un soin particulier et est immédiatement reconnaissable. Que ce soient les falaises escarpées de l’Île du Dragon, la métropole commerçante de Mercant’île ou encore les couloirs sombres de la Forteresse Maudite, les différents environnements traversés sont un véritable régal pour les pupilles.
Les prévisions météo pour demain sont : venteux, avec risque de changement de direction du vent
Les habitués de la saga retrouveront leurs marques très rapidement en entamant le jeu : Link taillade, court, saute et effectue des roulades avec la même aisance que dans les deux opus précédents. Les légendaires codes de la série ont été conservés : l’attaque tourbillon, le saut automatique, le lock d’Ocarina of Time, les objets que l’on peut assigner à trois boutons différents répondent présent. On constate que Link dispose d’une contre-attaque à l’épée spéciale, qui se déclenche en appuyant au bon moment sur A, et qui se révèle bien souvent dévastatrice.
Au sujet des objets, on sera heureux de constater de belles nouveautés : si l’on retrouve les indéboulonnables grappins, bottes de plomb, flèches de feu et de glace, Nintendo a su nous surprendre avec l’ajout d’armes innovantes, telles le grappin-griffe qui permettra à Link de se balancer au-dessus d’un précipice à la manière d’un Indiana Jones, ou bien la Feuille Mojo qui permettra à notre héros de planer pour atteindre des lieux auparavant inaccessibles. Mais bien sûr, l’objet apportant la plus grosse innovation est la Baguette du Vent.
En effet, comme vous le savez certainement, Link parcourt dans cet opus le vaste océan, qui fait office de monde central, à bord de son bateau à voile, le Lion Rouge. Le monde est en effet constitué d’une multitude de petites îles dispersées dans l’océan. Qui dit bateau à voile, dit forcément vent : c’est alors que la Baguette du Vent entre en jeu. Cette baguette permet en effet, par le biais d’un chant spécial, de diriger le vent comme bon vous semble, permettant ainsi à Link de progresser rapidement vers la destination de son choix. Si l’idée en elle-même est excellente, on regrettera que l’exécution soit plus discutable : en effet, il est trop souvent nécessaire de changer la direction du vent pour continuer à avancer, ce qui peut par moments hacher la progression du joueur.
La Baguette du Vent possède d’autres utilisations : faisant office de substitut à l’ocarina, elle vous permettra également d’accéder à certains lieux, de passer du jour à la nuit et inversement, ou encore de vous téléporter sur la carte du monde. Ce dernier chant en particulier est d’ailleurs bien pratique… En effet, passées les premières heures de jeu, la lassitude risque de s’installer durant vos périples océaniques. Ceux-ci sont en effet relativement lents, peu rythmés, et malgré l’incursion ponctuelle d’ennemis marins pour apporter un semblant de défi, ces phases se révèlent rapidement assez ennuyeuses.
Du côté des nouveautés en termes de gameplay et de phases de jeu, il faut bien avouer que Nintendo a su se dépasser : The Wind Waker propose en effet de nombreuses phases de jeu intégrées à la trame principale, qui se renouvellent suffisamment pour ne pas lasser le joueur. Ainsi, vous serez amené dans certains donjons à contrôler un personnage supplémentaire en plus de Link, ce qui permet d’introduire plus de variété et de complexité dans les énigmes. Un des donjons requiert également une phase d’infiltration, durant laquelle Link doit échapper à la vigilance des gardes dissimulé dans un tonneau (qui a dit Snake ?). Les exemples sont nombreux, mais il serait malvenu de tous les citer.
Enfin, il serait impossible de conclure cette (longue) partie sans évoquer la Galerie des Figurines Tendo. Il est ainsi possible de récupérer au cours de vos pérégrinations un appareil photo qui permet de prendre tous les personnages ou monstres du jeu en photo pour en faire des figurines, rangées dans une galerie spécialement dédiée. Vous pouvez de cette façon constituer votre propre collection : si cette fonctionnalité n’est que facultative et n’est en rien indispensable au déroulement du jeu, cela permet de renouveler l’expérience de façon assez humoristique.
Attrapez-les tous ! (Les figurines, hein)
The Wind Waker est plus ou moins aussi long que ses prédécesseurs 64 bits, et devrait vous tenir en haleine une petite vingtaine d’heures avant de voir défiler les crédits de fin. Si l’on regrettera une durée de vie artificiellement augmentée vers la fin du jeu, avec la quête aussi fastidieuse qu’inutile des morceaux de la Triforce, l’ensemble s’enchaîne assez rapidement.
On s’interrogera toutefois sur la difficulté du jeu : en effet, The Wind Waker est un Zelda bien plus facile que ses prédécesseurs : si les néophytes auront peut-être quelques difficultés, les habitués ne feront qu’une bouchée des énigmes proposées. En effet, celles-ci sont pour la plupart assez faciles ou inspirées des opus précédents. On est ainsi bien loin d’un Majora’s Mask en ce qui concerne la difficulté.
Cependant, si la trame principale est relativement courte et facile, le jeu peut durer bien plus longtemps si vous décidez d’entreprendre la myriade de quêtes annexes proposées. En effet, cet opus Gamecube propose une foule de quêtes : au-delà de la collecte des Figurines Tendo, vous pourrez partir à la chasse des indémodables Quarts de Cœur, découvrir tous les secrets dissimulés sur chaque île, ou encore mettre la main sur toutes les Cartes au Trésor. Ces cartes peuvent être dénichées un peu partout et révèlent l’emplacement d’un trésor enfoui sous les flots, qu’il vous faudra récupérer à l’aide du grappin.
Et pour la première fois en duo, Link et Médolie !
La musique a toujours été un point fort de la série Zelda. The Wind Waker fait sans aucun doute honneur à cette réputation : les thèmes musicaux du jeu sont très inspirés et correspondent à la perfection à l’ambiance maritime qui s’en dégage. Les thèmes des donjons sont réussis et savent traduire l’atmosphère mystérieuse du lieu, les thèmes des boss sont grandioses et savent insuffler de l’adrénaline au joueur… Le titre se réserve même quelques morceaux tristes et lancinants pour soutenir des moments forts du scénario. A n’en pas douter, une prouesse de qualité, véritablement charmante pour les oreilles.
La musique reste bien évidemment au centre du gameplay avec la Baguette du Vent, dont les morceaux font penser à des chœurs, à l’inverse de l’ocarina des opus 64 bits. Enfin, les bruitages sont réussis, dans un style peu réaliste convenant à l’atmosphère enfantine du jeu.
Le héros, comme tous les héros, commence l’aventure par une grasse matinée
Le scénario de ce Zelda s’ouvre sur un parchemin, qui narre les évènements d’Ocarina of Time ainsi que leur suite. En effet, The Wind Waker est supposé prendre place plusieurs centaines d’années après le premier opus sur Nintendo 64. L’ancien royaume d’Hyrule a été submergé par les flots, laissant place à de petites îles séparées par un gigantesque océan. Depuis, chaque jeune garçon reçoit, le jour de son douzième anniversaire, les mêmes vêtements verts que le Héros du Temps et une épée de bois, en souvenir de celui qui purifia Hyrule…
Link, notre héros, vit sur l’Île de l’Aurore ; tout commence le matin de son douzième anniversaire. Alors qu’il se promène, exhibant fièrement sa nouvelle tenue, sa petite sœur Arielle est enlevée par un oiseau géant. Sans hésiter, le jeune garçon se lance à sa poursuite sur le galion de Tetra, capitaine pirate rencontrée peu auparavant…
Comme vous l’aurez peut-être compris, les liens scénaristiques de The Wind Waker avec Ocarina of Time sont très nombreux et il est préférable d’y avoir joué afin de pleinement comprendre l’histoire. Celle-ci reste cependant très classique : divisée en deux parties, elle s’articule tout d’abord autour du sauvetage d’Arielle avant de se concentrer sur la lutte contre Ganondorf, décidément increvable. Le jeu perd cependant en intensité dramatique, celle-ci n’étant réellement présente que vers la fin du jeu, et se révèle bien moins sombre que les opus 64 bits. The Wind Waker propose ainsi une aventure un peu moins épique que ses prédécesseurs.
Il convient enfin de s’arrêter sur l’humour, très présent dans le soft : en adéquation avec le style graphique enfantin, The Wind Waker réserve son lot de rires et de scènes ridicules. Que ce soient les mimiques des différents personnages, absolument jouissives ; les personnalités de certains protagonistes, complètement excentriques ou loufoques ; ou encore les dialogues parsemés de petites plaisanteries, beaucoup d’éléments sont prétexte au rire dans ce Zelda, et cela n’est pas pour nous déplaire.
C’est l’heure de rendre les copies !
Graphismes : Si le cell-shading employé n’a pas su faire l’unanimité, force est de constater que le travail réalisé est exceptionnel. Les décors, les ombres, les personnages, les effets de flou : tout est géré d’une main de maître par la Gamecube, et le résultat est réellement splendide.
Jouabilité : On retrouve une prise en main classique héritée des Zelda sur Nintendo 64, avec un système de lock toujours aussi efficace. Si l’on saluera les objets innovants proposés, le dynamisme des combats renforcé par les nouveaux mouvements et la grande variété du gameplay, on sera en revanche plus dubitatif sur la mollesse des phases de navigation, qui hachent le rythme du jeu.
Durée de vie : Comptez une vingtaine d’heures pour boucler l’aventure. Le jeu est malheureusement un peu trop facile et décevra les vieux briscards de la série ; on pourra également remettre en question l’inutile longueur de la quête de la Triforce. Cependant, les quêtes annexes sont nombreuses et sont susceptibles, si vous y prenez goût, de retenir votre attention longtemps.
Bande-son : Toujours aussi excellente, la bande-son s’inscrit avec brio dans l’atmosphère pirate du jeu. Chaque thème sait correspondre à la situation, la Baguette du Vent donne lieu à de splendides effets sonores s’apparentant à des chœurs, et les bruitages reflètent l’ambiance « cartoon » du soft.
Scénario : Si le scénario de ce Zelda reste très classique, les références à Ocarina of Time sont nombreuses, introduisant une sorte de cohérence entre les deux épisodes jusque-là inédite. Le scénario perd malheureusement une partie de son intensité dramatique, perte pas suffisamment compensée par l’humour gentillet du jeu.
Conclusion : Conspué par une partie des fans, The Wind Waker est pourtant un grand Zelda. S’il lui manque peut-être une certaine intensité scénaristique, si les phases de navigation sont trop longues et la difficulté trop basse, il faut reconnaître que le gameplay est d’une variété extraordinaire, que les graphismes sont de toute beauté, et que la bande-son reste un modèle du genre. The Wind Waker n’est probablement pas le meilleur opus de la série, mais reste un jeu excellent à découvrir sans hésiter.
[…] Test : france-retrogaming (Kikosaurus) […]